jeudi 22 mars 2012

L'interview du blogger-storyteller Stéphane Dangel

 Stéphane Dangel fait un peu de pub pour mon blog !

 


 Voici un extrait de mon entretien avec Stéphane Dangel l'auteur de "Storytelling, le guide" :

Camille Angoujard : Quelle est votre définition du storytelling ? Et du storytelling management ?
Stéphane Dangel : Le vrai storytelling consiste à travailler avec les histoires. Pas raconter des histoires, pas construire des histoires, mais travailler avec, ce qui est beaucoup plus large. On se trouve alors dans le champ d'action très riche qui consiste à faire émerger des histoires, organiser leur partage, et à en tirer du sens. Le storytelling management n'est pas seulement l'utilisation du storytelling dans le management, c'est la gestion de votre storytelling. Car tut le monde  fait du storytelling, sauf que certains le subissent, et d'autres le gèrent.

C. A : Concrètement, à quoi ressemble le storytelling en entreprise ? Avez-vous des exemples ?
S. D : Voir sur mon blog. Sinon, des exemples : le storytelling, c'est aussi simple que de réunir des collaborateurs de l'entreprise pour réfléchir à la nouvelle identité de l'entreprise, en partageant des histoires vécues, révélatrices de l'identité. C'est aussi une entreprise qui cherche à donner du contenu à une nouvelle signature marketing : il y a du vécu dans cette signature, quel est-il, comment l'organiser pour en faire un matériau exploitable et remplir les cases ?

C. A : Le storytelling capte-t-il vraiment l’attention des employés d’une entreprise ? Peuvent-ils le recevoir comme un outil de manipulation utilisé par les dirigeants ?
S. D : Ils peuvent tout autant considérer que le rapport annuel de l'entreprise rempli de tableaux de chiffres est manipulateur. La manipulation n'est pas une question d'outil de communication mais d'intention et de perception.

C. A : Pourquoi les présentations PowerPoint, les check-lists, les argumentaires, réalisés par les dirigeants pendant les réunions ennuie les employés ? Pourquoi y a-t-il eu un tournant narratif au milieu des années 90 ?
S. D : Ce type de présentation ennuie parce qu'elles ne correspondent pas au mode de fonctionnement que l'on souhaite dans les entreprises. L'entreprise a besoin de mettre les gens en action. Or, si les faits convainquent, c'est bien l'émotion qui fait agir. Et c'est ce qui manque aux présentations de manière générale. Attention : je parle de la façon dont sont construites ces présentations. Ce n'est pas l'outil PowerPoint que je condamne mais son usage. On peut tout à fait faire des PowerPoint narratifs. Le tournant narratif correspond à une prise de conscience que le tout rationnel ne correspond pas ou plus aux besoins des entreprises. C'est pour cela que les arguments très intellectuels d'un Christian Salmon n'ont pratiquement aucun impact dans les entreprises car ils sont complètement déphasés.
 
C. A :  Pensez-vous qu’aujourd’hui les dirigeants sont soucieux de leur image vis-à-vis de leurs employés ?  
S. D : Le storytelling est-il un outil pour gagner en notoriété, au sein de l’entreprise ?
Avec le storytelling, nous ne sommes pas dans la notoriété ou l'image, mais dans l'action. La valeur ajoutée du storytelling réside dans l'action. J'ai cependant l'impression qu'en France, certains acteurs ne l'ont pas compris.
C. A : Pour terminé en beauté, si vous aviez une histoire à racontez, ce serait laquelle ?
S. D : Celle de l'abbé Pierre : son appel de l'hiver 54.

dimanche 18 mars 2012

La culture du silence dans les organisations


Une étude, effectuée par groupe de consultants spécialisé dans le management des crises « The Concours Group and VitalSmarts », sur la culture du silence, intitulée Silence Fails et publiée en 2007,  a été réalisée auprès d’un millier de dirigeants d’entreprises aux Etats-Unis. Elle a aboutit a une conclusion impressionnante : le « silence organisationnel » est responsable de l’échec de 85%[1] des projets industriels. En mars 2003, Leslie A. Perlow, professeur de management à Harvard, s’est immergée dans une de ces entreprises « start up » et a pu observer son cycle de vie. Selon elle, l’échec de nombreuses entreprises mutantes n’était pas seulement financier, il fallait en chercher les raisons dans l’incapacité des dirigeants à communiquer dans les non-dits, les conflits non réglés, … Les conséquences d’un tel phénomène peuvent passer de simple malentendu jusqu’à une faillite organisationnelle (Perlow, 2003). 

Certaines entreprises sont victimes de  la spirale du silence[2]. Leslie Perlow ajoute que « Le silence est associé à différentes qualités, la modestie, le respect des autres, la prudence, le savoir-vivre. En raison de règles de bienséance profondément enracinées, les gens se taisent pour éviter les ennuis, les conflits et autres dangers perçus. » Depuis la révolution industrielle, le silence fait partie des nombreuses mesures qui assurent le contrôle sur les ouvriers. Le silence au travail s’impose avec l’apparition des manufactures ; le rassemblement dans un même endroit de forces de travail, où les échanges verbaux sont sous haute surveillance. Imposé par Taylor et Ford, il se déploie dans l’entreprise fordiste (Perlow, 2003). Au XXème siècle, la parole des employés est qualifiée de « bavardage » et assimilée à un relâchement. Salmon affirme que dès 1984, James March et Gujme Sevon reconnaissent les mérites du commérage comme forme de narration porteuse d’information. Il ajoute que dans un ouvrage collectif consacré aux techniques du storytelling en entreprise, Nicole Giroux explique que «  Selon Weik, le pouvoir de la narration réside dans sa capacité à capturer des expériences complexes qui combinent les sens, la raison, l’émotion, et l’imagination dans un résumé dense qui peut être reconstruit en partant de l’une ou de l’autre de ses parties » (Salmon, 2007). 

Cependant le précurseur en matière de storytelling management, reste David Boje avec son étude sur les performances narratives dans une organisation de fournitures de bureau, publiée en 1991. Il a constaté que l’activité narrative d’une organisation ne se manifeste pas par des récits structurés. En revanche, les individus confient leurs histoires par fragments avec des interruptions continuelles de collègues, qui rajoutent des éléments venant de leur propre expérience. C’est comme ça que se construit une narration collective. L’entreprise devient ainsi une organizational storytelling[3] dont les récits peuvent être écoutés, régulés et bien sûr contrôlés. A la firme muette, s’opposerait donc une firme parlante, conteuse (Boje, 1991).


[1] Chiffre tiré de l’étude intitulée Silence Fails, effectuée par « The Concours Group and VitalSmarts » et publiée en 2007.
[2] Elisabeth Noelle-Neumann, sociologue allemande, théorise la spirale du silence en 1974 pour démonter l'influence de l'opinion publique sur chaque personne, pouvant les conduire, lorsqu'elles se sentent en position minoritaire, à garder leurs opinions pour elles par crainte  de l'isolement.
[3] En français : une organisation narrative.