dimanche 18 mars 2012

La culture du silence dans les organisations


Une étude, effectuée par groupe de consultants spécialisé dans le management des crises « The Concours Group and VitalSmarts », sur la culture du silence, intitulée Silence Fails et publiée en 2007,  a été réalisée auprès d’un millier de dirigeants d’entreprises aux Etats-Unis. Elle a aboutit a une conclusion impressionnante : le « silence organisationnel » est responsable de l’échec de 85%[1] des projets industriels. En mars 2003, Leslie A. Perlow, professeur de management à Harvard, s’est immergée dans une de ces entreprises « start up » et a pu observer son cycle de vie. Selon elle, l’échec de nombreuses entreprises mutantes n’était pas seulement financier, il fallait en chercher les raisons dans l’incapacité des dirigeants à communiquer dans les non-dits, les conflits non réglés, … Les conséquences d’un tel phénomène peuvent passer de simple malentendu jusqu’à une faillite organisationnelle (Perlow, 2003). 

Certaines entreprises sont victimes de  la spirale du silence[2]. Leslie Perlow ajoute que « Le silence est associé à différentes qualités, la modestie, le respect des autres, la prudence, le savoir-vivre. En raison de règles de bienséance profondément enracinées, les gens se taisent pour éviter les ennuis, les conflits et autres dangers perçus. » Depuis la révolution industrielle, le silence fait partie des nombreuses mesures qui assurent le contrôle sur les ouvriers. Le silence au travail s’impose avec l’apparition des manufactures ; le rassemblement dans un même endroit de forces de travail, où les échanges verbaux sont sous haute surveillance. Imposé par Taylor et Ford, il se déploie dans l’entreprise fordiste (Perlow, 2003). Au XXème siècle, la parole des employés est qualifiée de « bavardage » et assimilée à un relâchement. Salmon affirme que dès 1984, James March et Gujme Sevon reconnaissent les mérites du commérage comme forme de narration porteuse d’information. Il ajoute que dans un ouvrage collectif consacré aux techniques du storytelling en entreprise, Nicole Giroux explique que «  Selon Weik, le pouvoir de la narration réside dans sa capacité à capturer des expériences complexes qui combinent les sens, la raison, l’émotion, et l’imagination dans un résumé dense qui peut être reconstruit en partant de l’une ou de l’autre de ses parties » (Salmon, 2007). 

Cependant le précurseur en matière de storytelling management, reste David Boje avec son étude sur les performances narratives dans une organisation de fournitures de bureau, publiée en 1991. Il a constaté que l’activité narrative d’une organisation ne se manifeste pas par des récits structurés. En revanche, les individus confient leurs histoires par fragments avec des interruptions continuelles de collègues, qui rajoutent des éléments venant de leur propre expérience. C’est comme ça que se construit une narration collective. L’entreprise devient ainsi une organizational storytelling[3] dont les récits peuvent être écoutés, régulés et bien sûr contrôlés. A la firme muette, s’opposerait donc une firme parlante, conteuse (Boje, 1991).


[1] Chiffre tiré de l’étude intitulée Silence Fails, effectuée par « The Concours Group and VitalSmarts » et publiée en 2007.
[2] Elisabeth Noelle-Neumann, sociologue allemande, théorise la spirale du silence en 1974 pour démonter l'influence de l'opinion publique sur chaque personne, pouvant les conduire, lorsqu'elles se sentent en position minoritaire, à garder leurs opinions pour elles par crainte  de l'isolement.
[3] En français : une organisation narrative.

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