Une
étude, effectuée par groupe de consultants spécialisé dans le management des crises
« The Concours Group and VitalSmarts », sur la culture du silence,
intitulée Silence Fails et publiée en
2007, a été réalisée auprès d’un millier
de dirigeants d’entreprises aux Etats-Unis. Elle a aboutit a une conclusion
impressionnante : le « silence organisationnel » est responsable
de l’échec de 85%[1]
des projets industriels. En mars 2003, Leslie A. Perlow, professeur de
management à Harvard, s’est immergée dans une de ces entreprises « start
up » et a pu observer son cycle de vie. Selon elle, l’échec de nombreuses entreprises
mutantes n’était pas seulement financier, il fallait en chercher les raisons
dans l’incapacité des dirigeants à communiquer dans les non-dits, les conflits
non réglés, … Les conséquences d’un tel phénomène peuvent passer de simple
malentendu jusqu’à une faillite organisationnelle (Perlow, 2003).
Certaines
entreprises sont victimes de la
spirale du silence[2].
Leslie Perlow ajoute que « Le silence est associé à différentes qualités,
la modestie, le respect des autres, la prudence, le savoir-vivre. En raison de
règles de bienséance profondément enracinées, les gens se taisent pour éviter
les ennuis, les conflits et autres dangers perçus. » Depuis la révolution
industrielle, le silence fait partie des nombreuses mesures qui assurent le
contrôle sur les ouvriers. Le silence au travail s’impose avec l’apparition des
manufactures ; le rassemblement dans un même endroit de forces de travail,
où les échanges verbaux sont sous haute surveillance. Imposé par Taylor et
Ford, il se déploie dans l’entreprise fordiste (Perlow, 2003). Au XXème
siècle, la parole des employés est qualifiée de « bavardage » et
assimilée à un relâchement. Salmon affirme que dès 1984, James March et Gujme
Sevon reconnaissent les mérites du commérage comme forme de narration porteuse
d’information. Il ajoute que dans un ouvrage collectif consacré aux techniques
du storytelling en entreprise, Nicole Giroux explique que « Selon Weik,
le pouvoir de la narration réside dans sa capacité à capturer des expériences
complexes qui combinent les sens, la raison, l’émotion, et l’imagination dans
un résumé dense qui peut être reconstruit en partant de l’une ou de l’autre de
ses parties » (Salmon, 2007).
Cependant le précurseur en matière de storytelling management, reste David
Boje avec son étude sur les performances narratives dans une organisation de
fournitures de bureau, publiée en 1991. Il a constaté que l’activité narrative
d’une organisation ne se manifeste pas par des récits structurés. En revanche,
les individus confient leurs histoires par fragments avec des interruptions
continuelles de collègues, qui rajoutent des éléments venant de leur propre
expérience. C’est comme ça que se construit une narration collective.
L’entreprise devient ainsi une organizational
storytelling[3]
dont les récits peuvent être écoutés, régulés et bien sûr contrôlés. A la firme
muette, s’opposerait donc une firme parlante, conteuse (Boje, 1991).
[1] Chiffre tiré de l’étude
intitulée Silence Fails, effectuée
par « The Concours Group and VitalSmarts » et publiée en 2007.
[2] Elisabeth Noelle-Neumann,
sociologue allemande, théorise la spirale
du silence en 1974 pour démonter l'influence de l'opinion publique sur
chaque personne, pouvant les conduire, lorsqu'elles se sentent en position
minoritaire, à garder leurs opinions pour elles par crainte de l'isolement.
[3] En français : une
organisation narrative.
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